Les
évolutions combinées de la SAU, de la jachère,
du drainage, des surfaces toujours en herbe, et des cultures de
céréales, maïs et fourrages, appellent l’attention
sur des aspects plus liés à la géographie humaine
et économique des espaces urbains et ruraux. Cette vision
plus synthétique est à rechercher en vue de distinguer
les véritables vecteurs d’évolution qu’ils
soient agricoles, ruraux, démographiques ou urbains.
L’essor très localisé de la Surface
Agricole Utilisée :
En fait, il n’y a que 12 cantons qui se signalent à
notre attention par leur extension de la surface agricole utilisée.
Il ressort nettement des paramètres analysés, que
la progression de la surface agricole utilisée y est corrélée
à l’accroissement des surfaces drainées et à
la régression des Surfaces Toujours en Herbe.
En effet, il convient d’observer que 6 de ces cantons se
trouvent au contact d’agglomérations urbaines ( Chartres,
Montargis, Vendôme, Vierzon et Bourges ). Ce phénomène
très dynamique a le drainage comme élément
majeur parmi les paramètres observés en progression.
Il semble que la valorisation foncière ait ici favorisé
indirectement l’investissement et l’équipement
des parcelles.
Les conditions opérationnelles de cette expansion
de la SAU à proximité des villes méritent un
examen attentif afin d’accompagner ce développement
pour maîtriser le risque concernant la ressource en eau potable.
Il s’agit de ne pas reproduire le schéma des abandons
de captages affectés par les nitrates ou pesticides qui ont
marqué les années 90.
La déprise agricole en progression :
Il y a lieu de mettre en évidence le très vaste
espace que forment les 77 cantons appartenant à des terroirs
aussi distincts que ceux de Beauce et de Sologne où s’exprime
une déprise significative. Ils composent un ensemble homogène
et massif, qui contraste avec le reste de la région Centre
où la répartition de la déprise est plus
variable. L’incidence de la déprise sur l’eau
s’apprécie
sous deux angles complémentaires : la pollution diffuse
d’origine
agricole qui semble persister dans ce contexte, et l’évolution
de l’occupation du territoire au profit de friches, de boisements,
ou d’espaces urbanisés aux impacts très différends.
A ) sur le plan agricole :
L’analyse des données sur divers paramètres
caractéristiques, a été réalisée
dans les 77 cantons marqués par cette déprise sensible.
Elle présente la particularité d’afficher une
réduction des espaces de production consacrés aux
grandes cultures et une régression des prairies permanentes.
La jachère affichant quant à elle, en moyenne, une
ampleur notable dans ces cantons en déprise.
La déprise peut être perçue comme une contraction
de la surface agricole utile. Elle n’exclue pas le développement
de production, ni les gains de productivité par la mécanisation,
ni les aménagements des parcelles. La tendance à l’agrandissement
des exploitations ( pour s’adapter à l’évolution
et au soutien des cours ) s’y exprime comme ailleurs.
Elle est localement associée à des conversions
localisées
des cultures céréalières vers des productions
d’oléagineux ou des cultures industrielles. La déprise
ne réduit pas l’intensification
des divers facteurs de production à risques pour la ressource
en eau. Elle résulte parfois de frictions conjoncturelles,
mais aussi des diverses tendances structurelles, telles que
la perte
de sièges d’exploitation, de la réduction de
main d’œuvre agricole en grande culture et du déficit
d’installation de jeunes exploitants.
B ) sur le plan des territoires :
Le devenir de ces terrains en déprise est une question stratégique
qui touche à la gestion et l’aménagement des territoires.
Elle appelle des investigations plus poussées au plan local pour suivre
ce phénomène. Sur ces 77 cantons il conviendrait de faire la part
de la perte en superficie productive en distinguant la nouvelle vocation des
sols. L’évaluation des facteurs de risques qui leur sont attachés
précisera alors la situation par rapport à l’environnement
et à l’eau en particulier.
La déprise paraît associée à
la progression des aires urbaines, des infrastructures et de la
réactivité des populations aux nuisances ou aux
risques. En effet, la pression urbaine consomme de l’espace,
mais dissuade aussi l’investissement des industries agro-alimentaires,
et influencent indirectement la répartition des cultures
industrielles.
La composante périurbaine de l’agriculture
:
Comme on vient de l’évoquer, le contexte périurbain
côtoie ou s’intègre souvent aux zones à
déprise agricole. L’influence de l’urbanisation
pèse sur l’agriculture, qui doit s’adapter aux
nouvelles polarités urbaines, qui concentrent des populations
croissantes dans les agglomérations ou développent
des espaces satellites.
C’est un ensemble de 26 cantons urbains
qui peut être mis particulièrement en évidence
sur ces bases, à partir des données du RGA 2 000.
On peut observer que les cultures très spécialisées,
telles que légumes, arboriculture ou maraîchage et
pépinières, s’y maintiennent en développant
leurs équipements d’irrigation ou de drainage. Mais
une analyse de quelques paramètres montre que ces évolutions
de productions agricoles restent de faible ampleur.
Les incidences sur le plan de l’environnement sont variables.
Sous l’angle du risque, en région Centre comme dans
le bassin de la Loire, il faut citer les villes implantées
en zones inondables, où la préservation des personnes
des biens et des activités sont posées avec de
plus en plus d’acuité. La perception des risques
y est aussi plus aiguë. On trouve au centre des préoccupations
: les effets des modes d’exploitation sur le régime
des eaux et l’évolution des cultures dans les
champs d’expansion
naturelle des crues. Les populations se montrent aussi plus pressantes
pour réduire les nuisances liées aux pollutions
diffuses vis à vis de la potabilité des eaux
(nitrates, pesticides). Dans ce contexte le rôle et
la mise en place progressive des schémas de cohérence
territoriale ( S.CO.T.) pourraient aborder ces problématiques
en les croisant avec les disponibilités
foncières dégagées par la déprise.
Une cohérence sera progressivement recherchée dans
le domaine de l’eau entre les composantes agricoles et l'urbanisation.
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Les paysages de prairies
permanentes en déshérence
:
La disparition des surfaces toujours en herbe représente
une perte considérable de - 2 600 hectares dans une quinzaine
de cantons. Ils sont essentiellement implantés dans l’Indre
et le Cher. Simultanément, les cultures fourragères
ont progressé de + 1 500 hectares par canton en moyenne.
C’est un changement radical du système d’exploitation,
qui devrait induire un examen plus approfondi des transformations
qui s’opèrent dans ces 15 cantons. La substitution
des cultures fourragères aux prairies permanentes est aussi
à l’origine de nombreux travaux de drainage qui ont
modifié le contexte du sol, et ouvert une réversibilité
vers d’autres cultures.
Par contre le déclin des surfaces toujours en herbe est
quant à lui irréversible, ainsi que la disparition
des flores prairiales traditionnelles qui leur sont associées.
Enfin l’orientation vers l’agrandissement des élevages
en stabulation avec des plans d’épandages devrait tirer
les conséquences des risques particuliers aux nouvelles parcelles
drainées, sur des milieux aquatiques sensibles.
Le risque potentiel étant avéré et mis en
évidence, l’étude détaillée en
vue de la mise en œuvre de mesures d’accompagnement se
justifierai pour ces cantons en particulier. L’examen des
parcelles en pente et des sols de fond de vallée mérite
une attention particulière si l’on souhaite garantir
et préserver la ressource en eau. Ces cantons n’étant
pas classés en zone vulnérable, le programme de maîtrise
des pollutions d’origine agricole ne leur accorde pas de priorité
spécifique. C’est un risque supplémentaire de
voir l’élevage laisser la place aux grandes cultures
sur des sols inadaptés et des milieux sensibles.
L’artificialisation du régime hydrique des
sols :
Réalité d’ampleur régionale, la progression
moyenne la plus marquée du drainage concerne un ensemble
de 55 cantons présentant une érosion légère
ou le déclin de la SAU évoqué ci dessus. Sur
ce point précis ce type de canton illustre l’analyse
globale précédente. En effet la progression des cultures
industrielles, ou d’oléagineux, côtoie le retrait
de surfaces toujours en herbe ; alors qu’en parallèle
apparaît une extension imposante des parcelles drainées.
Il y a donc bien lieu de constater que la réduction de
la SAU est bien associée à l’aménagement
des sols et à l’artificialisation des conditions de
culture, pour en maîtriser les processus à l’instar
des autres facteurs de production.
La répartition des 55 cantons compose une auréole
périphérique à la région, sur les six
départements. Il semble à première vue que,
dans nombre d’entre eux, ce soit aux dépens de l’élevage
que le rayonnement des modes de production des grandes cultures
a fait son œuvre avec la Beauce en épicentre.
Sur des sols très divers et peut être moins adaptés à ces
cultures, les drainages ont porté sur plus d’un millier
d’hectares dans chacun de ces 55 cantons. Dans ce contexte
toute fertilisation excessive ou mal maîtrisée représente
un risque réel pour la ressource en eau. C’est notamment
dans certains de ces bassins versants liés à ces
cantons que des dégradations en nitrates sont constatées.
C’est désormais le suivi de la qualité des
eaux qui atteste du risque.
Décloisonner les analyses en croisant des données
:
Que la SAU soit en déclin ou en progression, la mécanisation
des exploitations poursuit son essor en région Centre, y
compris en investissant dans le drainage des terres. Tandis que
les surfaces toujours en herbe régressent largement par ailleurs.
Ces cantons sont certainement des lieux où les modifications
paysagères et environnementales risquent d’être
sensibles. Des approches locales plus approfondies devraient se
révéler très instructives quant à la
dynamique du développement agricole et à la prise
en compte des incidences pour la ressource en eau.
Tirer les conséquences des évolutions révélées
par le RGA, en les complétant avec celles liées à
l’urbanisation ou à la ressource en eau conduirait
à renforcer la cohérence des politiques sectorielles.
Ceci devient de plus en plus nécessaire à l’échelle
de territoires donnés comme pour l’évaluation
globale des politiques régionales, avec leurs incidences
sur l’environnement en particulier. C’est aussi l’esprit
de la création des comités d’orientation agricole
ou des conseils départementaux d’Hygiène.
Ainsi les clivages urbanisme-agriculture, risques-agriculture,
paysage-agriculture, ou eau-agriculture pourraient mener à
des constats partagés et des orientations compatibles avec
milieux naturels et ressources en eau. La Mission Inter-Services
sur l’Eau ( MISE ) pourrait être le lieu opérationnel
où se détermineraient les actions de contrôles,
les études de diagnostic de bassin versant ou des prescriptions
adaptées.
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