L’irrigation
devient un point majeur de la gestion équilibrée de
la ressource en eau lorsqu’elle représente un volume
de prélèvement dont l’ampleur devient significative
et concurrence les autres usages, affecte la ressource ou les équilibres
biologiques. La région Centre, quant à elle, dispose
de ressources en eau suffisantes et compatibles avec une exploitation
agricole qui reste maîtrisée. Toutefois la ressource
en eau, essentiellement souterraine ( nappe de Beauce, Cénomanien,
Albien,…) est partagée avec les départements
des régions voisines. Une gestion concertée est donc
dans l’ordre des choses.
Le développement de l’irrigabilité des terres
agricoles connaît une répartition géographique
calquée sur les grandes cultures céréalières.
Ce phénomène est très nettement plus avancé
en région Centre que dans les départements ou régions
limitrophes. Sauf à l’ouest de l’Indre et Loire
où une évolution similaire apparaît en Pays
de la Loire et en Poitou Charente.
De très vastes espaces irrigués :
Les 487 000 hectares irrigables recensés en région
Centre en 2 000 se répartissent selon des degrés
variés d’expansion :
- 84 cantons ont moins de 1 000 ha irrigables, ils sont plus
implantés en Sologne, dans la portion congrue du Perche
d’Eure et Loir et en frange Sud-Est de la région
;
- 78 cantons ont déjà équipé de 1
000 à 5 000 ha, représentant 167 000 ha et répartis
sur l’ensemble de la région;
- 23 cantons ont près de 290 000 ha irrigables, ils se
situent en Beauce pour la plupart, tirant profit de la ressource
en eau souterraine. Mais des cantons très équipés
se distinguent aussi dans le bassin du Loing ( Fusain, …
), en rive gauche de la Loire en amont d’Orléans,
ainsi qu’en rive droite du Loir (en Eure et Loir) où
le mode de culture beauceron progresse nettement.
Des grandes cultures devenues irrigables :
Les 38 cantons où la surface irrigable excède 30%
de la SAU, appellent plus particulièrement l’attention
( les cantons à moins de 1000 ha de SAU n’étant
pas pris en considération ). L’essor des équipements
d’irrigation est impressionnant par l’ampleur des
superficies aménagées sur cette décennie.
La dynamique de cette évolution, depuis le recensement
de 1988, montre que le développement de ces équipements
est lié en partie à la sécheresse qui a marqué
la région Centre au début des années 90.
Ceci laisse augurer un secteur économique, composés
d’entreprises de forages et de fournitures, qui a accompagné
cette évolution des grandes cultures.
En fait 17 cantons ont équipé plus de la moitié
de la SAU cantonale et 6 d’entre eux dépassent désormais
le seuil de 70% de la SAU. Les cantons rendus « irrigables
» presque en totalité sont Orgères en Beauce
93%, Patay 85% et Arthenay 84.5%.
Cette évolution prend une dimension concrète si
on examine les accroissements en surface irrigable des cantons.
En effet sur la décennie, 51 cantons affichent une extension
de plus de 1000 ha de leur superficie irrigable. Les extensions
les plus remarquables excédent 5 000 ha pour les cantons
suivants : Bonneval + 5 159 hectares, Pithiviers + 5 631 ha, Janville
+ 5 845ha, Anneau + 6 045 ha, Outarville + 9 180 ha.
Une dynamique parfois très marquée :
Les évolutions en pourcentage mettent en évidence
la rapidité et surtout l’envergure qu’à
prise cette évolution, qui a transformé radicalement
les conditions de production, les niveaux des objectifs de rendements
et les volumes d’eau prélevés pour la production
agricole. Aussi convient-il de repérer les secteurs géographiques
où l’irrigation s’est développée
à l’échelle de certains cantons, à
un point tel qu’il s’est agit d’une «
petite révolution » pour les modes de production
mais aussi pour la ressource locale en eau.
Une centaine de cantons en région Centre enregistrent
des hausses sensibles des surfaces irrigables ( supérieures
ou égales à 50 % ) de 1988 à 2000. Ces extensions
rapides s’étendent sur toute la région. Elles
témoignent d’une progression générale
et très active de ces équipements. C’est une
marque de la transformation des systèmes de production
vers les cultures plus intensives, et qui se conjugue avec le
drainage dans certaines régions agricoles. Le département
de l’Indre est presque en totalité dans cette classe.
La vallée du Loir est aussi le théâtre de
changements radicaux, surtout en Loir et Cher. L’Indre et
Loire est aussi dans cette logique de fort développement
de l’irrigabilité. Enfin il faut relever que l’on
dénombre 51 de ces cantons qui ont doublé leur superficie
irrigable avec accroissement d’au moins 100 % mais avec
une extension de plus de 1 000 ha.
Parmi ces cantons à forte expansion des surfaces irrigables,
11 cantons atteignent des progressions supérieures à
100 % depuis 1998. Lesquelles peuvent dépasser 200% ( Lury
sur Arnon, Levroux, Illiers-Combray) ou 300% à Savigny
sur Braye.
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Deux situations sont discernables
:
- D’une part les cantons nouvellement équipés
qui affichent les rapports les plus saisissants + 384 % sur Droué
et Savigny sur Braye qui passent de quelques centaines d’hectares
équipés à plus de 1000 ha irrigués.
- D’autre part les cantons où l’équipement
initial a enclenché un développement énergique
+ 262% sur le canton de Levroux où de 1000 ha en 88 on atteint
4 000 ha en 2000. Ainsi qu’à Brou avec une croissance
de superficie irrigable de + 175% et une progression de 1000 à
3000 ha équipés.
C’est ainsi que globalement, l’expansion des terres
irrigables a pris une ampleur notable dans certains cantons où
elle relève d’un phénomène néanmoins
rapide et massif. Les progressions remarquables en superficie irrigable
sont : de 161% sur le canton de Châtillon Coligny ( qui atteint
plus de 7 300 ha de surface irrigable), 143% sur Baugy ( 4 900 ha
), 121% sur Anneau ( 11 000 ha ), 75% sur Outarville ( 21 400 ha
), 60% sur Meung sur Loire ( 12 600 ha ), 50% sur Pithiviers ( 16
500 ha ).
Connaître et gérer le risque :
Avec une telle évolution, les prélèvements
peuvent devenir trop massifs par rapport à une nappe peu
capacitive ( jurassique ), ou en présence d’une ressource
alluviale d’un bassin versant trop réduit. Dés
lors la dégradation de la qualité chimique et biologique
des eaux risquent de s’aggraver progressivement. Dans ces
situations les services départementaux de police de l’eau
et ceux chargés de l’agriculture doivent rechercher
des éléments statistiques plus précis, en vue
de construire des bases objective pour fonder une gestion concertée
de l’eau dès qu’elle se justifie. La première
phase tenant à la constitution d’un état global
des prélèvements à l’échelle du
bassin ou de la nappe peut se faire à partir de ce même
RGA 2000 sur sa base communale.
Outre l’approche quantitative, il conviendrait d’aborder
l’aspect qualitatif lié aux prélèvements.
La qualité des ouvrages en matière de forage agricole
est trop souvent négligée, l’état
des installations reste à vérifier, la connexion
de plusieurs nappes est parfois à déplorer, les
effets de proximité
entre forages et avec les cours d’eau présentent des
risques particuliers. Ce sont autant de vecteurs suceptibles de
contribuer à la
dégradation
de la ressource en eau.
Une irrigation modérée sur 40% des cantons
:
Une vision globale et rapide montre à première vue,
que la surface irrigable couvre moins de 30% de la Surface Agricole
Utilisée dans près de 140 cantons de la région
Centre. Dans cet ensemble, qui représente 77% des 180 cantons
de la région Centre, l’équipement d’irrigation
pourrait sembler équilibré. Dès lors, si on
rapporte ce taux d’équipement à la ressource
disponible et aux volumes utiles selon les productions, il semblerait
y avoir place pour une implantation supplémentaire et significative.
Mais une analyse plus détaillée avec un éventail
de situations par tranche de 1000 ha devenus irrigables serait utile
pour préciser les contextes ; en outre cela corrige l’effet
de superficie des cantons plus étendus.
On note alors que 63 de ces cantons ( où les terres irrigables
sont inférieures à 30% de la SAU ) se trouvent néanmoins
dotés de plus de 1000 ha irrigables. Parmi eux 17 cantons
ont équipé 2000 ha, 9 cantons disposent de 3000 ha
et 2 cantons comptent même 4000 ha irrigables. Il reste en
conséquence, 77 cantons à surface irrigable inférieure
à la fois à 1000 ha et à 30 % de la SAU, soit
42,7 % des cantons de la région ; certains d’entre
eux semblent par contre plus concernés par le drainage et
les cultures fourragères.
Quelques cantons sont restés à l’écart
du développement de l’irrigation. Particulièrement
les 18 cantons qui ensemble n’ont pas rendu irrigable 500
hectares, soit 0,1 % de la surface irrigable de la région.
Dans ces diverses situations les exploitants devraient être
progressivement amenés d’une part à prendre
en compte la vulnérabilité de la ressource en eau
et d’autre part à réduire ou maîtriser
voire compenser les pratiques à risques. Mais la restauration
d’une situation dégradée nécessite des
mesures contraignantes, collectives et longues. Dés lors,
il apparaît opportun d’identifier les secteurs où
l’intensification qui est le fait des initiatives individuelles
doit faire l’objet d’une analyse globale à l’échelle
des milieux aquatiques et naturels concernés. L’attention
des filières et des entreprises associées à
ce développement est appelée sur la gestion des risques
au fur et à mesure de l’évolution des modes
de production. Ce recensement général de l’agriculture
fournit une belle opportunité et offre une alternative à
la réponse réglementaire aux dégradations les
plus avancées.
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